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  • Photo du rédacteurChristelle Chanut

Pas si simple ! … ou pourquoi le futur de l’assurance et de la banque ne rime pas avec simplicité


Quelques-uns de mes fidèles lecteurs m’ont fait remarquer que la simplification, ou a minima la simplicité, ne figurait pas parmi les 6 dimensions qui caractérisent le futur de l’assurance et la banque selon le modèle présenté dans un précédent post. S’agit-il d’un malencontreux oubli ?


Je les remercie de leur intervention, mais la réponse est non.


L’assurance et la banque ne vont pas vers plus de simplicité. En effet, l’assurance et la banque sont des métiers intrinsèquement complexes, dans lesquels la multiplication des facteurs de complexité est au moins autant importante que les efforts de simplification : explosion des données, individualisation de la relation…

De nombreux acteurs du marché de l’assurance et de la banque mettent pourtant en avant la simplicité de leur modèle, certains allant jusqu’à se proposer de “simplifier l’assurance” ou de “simplifier la banque”. Simplicité réelle ou de façade ? Examinons de plus près quelques-uns de ces cas de simplicité apparente pour voir ce qu’il en est réellement.



Brolly ou l’assurance simplifiée à l’extrême


Site épuré, sans fioriture aucune : pas de doute, vous êtes bien chez Brolly, une insurtech britannique affichant d’emblée “Brolly is simplifying insurance”. Voilà au moins qui est clair.

Brolly propose une offre en deux volets :

  • un agrégateur de contrats d’assurance souscrits auprès de différentes compagnies, permettant au client de disposer d’une vision d’ensemble de ses contrats, avec un système d’alertes à mesure que la date d’expiration d’un ou plusieurs contrats approche

  • une offre d’assurance composée sur mesure par le client qui, au moyen d’un outil très simple sur son application mobile, désigne les biens qu’il souhaite assurer et choisit le montant de sa franchise ; le montant de sa cotisation mensuelle est automatiquement calculé en fonction de ces paramètres, et le contrat généré automatiquement après validation du client


La start-up répond ainsi à la demande du client de bénéficier d’offres individualisées. Elle se positionne sur l’assurance de contenu (“contents insurance”), un segment encore peu occupé par les compagnies traditionnelles (qui assure son iPad ou sa bague de fiançailles ?).




Mais ce dispositif n’est pas transposable à des produits plus complexes qui nécessitent davantage de données pour qu’une estimation similaire puisse être réalisée ; devoir intégrer au calcul des primes des données telles que l’âge du client, son comportement, son lieu d’habitation… augmenterait en effet de façon significative le nombre de données à renseigner et supprimerait le caractère innovant et ludique de l’outil de configuration actuel.


Brolly ne simplifie pas l’assurance ; elle occupe un terrain encore peu exploré en proposant un produit d’assurance original mais basique (car dépendant d’un petit nombre de paramètres) que le client paramètre à sa guise. De ce fait, afin d’élargir son périmètre malgré une offre très limitée, sa proposition de valeur s’accompagne de la possibilité pour le client de visualiser l’ensemble de ses contrats (auto, habitation, santé…) qui sont et resteront détenus auprès d’autres assureurs.

Un positionnement assurément original !


Digit ou la simplification grâce à la technologie

Où l’on retrouve Digit, l’assurtech indienne qui lançait la première une garantie “coronavirus”, que nous avions évoquée dans un précédent article.

Digit entend s’appuyer sur la technologie pour se différencier de ses concurrents.

Son modèle se caractérise par :

  • un degré élevé d’automatisation, non seulement dans le traitement des sinistres, mais aussi dans l’entrée en relation

  • l'utilisation d’un vocabulaire accessible et compréhensible par tous, visant à minimiser les questions des clients et les appels au centre de contact


Le recours à l’intelligence artificielle et au machine learning permet à Digit d’automatiser le traitement de 86% de ses sinistres (*), grâce notamment au “self-survey” (que l’on pourrait traduire par auto-estimation), processus par lequel le client prend lui-même les photos du sinistre, guidé par l’application Digit ou par un lien envoyé sur son mobile ; celles-ci sont analysées automatiquement et déclenchent le règlement. Dans le cas d’une garantie liée à un retard d’avion, l’information parvient automatiquement à la compagnie qui envoie un SMS au client qui n’a plus qu’à envoyer une photo de sa carte d’embarquement pour déclencher le règlement.


Il s’agit ainsi d’automatiser au maximum les tâches ou de les déléguer au client, tout en faisant preuve de pédagogie dans la description des produits afin de réduire les contacts entrants.

(*) source : Economic Times, mars 2020


Les néobanques ou la simplicité dans un monde sans risque


Les néobanques se caractérisent par :

  • une réduction à l’extrême de l’offre produit, limitée la plupart du temps à un compte courant et à une carte bancaire

  • une tarification avantageuse permise notamment par la faiblesse des coûts de structure

  • une interaction client limitée à un canal unique, généralement l’application mobile

  • des processus d’entrée en relation légers permis par la quasi-absence de risque (pas de découvert autorisé, pas de crédits, pas de chéquiers, carte généralement à contrôle de solde avec séquestre)


La banque, comme l’assurance, est un métier complexe en raison de la gestion du risque qu’elle nécessite ; elle doit se prémunir contre le risque que le client dépense plus d’argent qu’il n’en détient ou ne rembourse pas ce qui lui est prêté, d’où de nombreux contrôles en amont et des règles strictes. En l’absence de gestion du risque, tout devient beaucoup plus simple… mais est-on encore une banque ?


Pour cette raison, les néobanques sont davantage des acteurs spécialisés dans les paiements que de banques de plein exercice. Elles ne peuvent donc représenter qu’une partie infime de la banque du futur, qui devra continuer à offrir des solutions impliquant une gestion du risque et la rigidité qui va avec.


En définitive, la simplicité mise en avant par des compagnies d’assurance et des banques innovantes tient moins de la réalité que de la stratégie de communication. Il s’agit en effet de rassurer les clients, par appétence de plus en plus autonomes et auxquels elles délèguent de plus en plus de tâches.


Le modèle de ces acteurs innovants tient en réalité en 3 points :

  • optimiser l’automatisation et la délégation au client de tâches autrefois exécutées par les collaborateurs (afin de minimiser l’intervention des collaborateurs)

  • minimiser les contacts entrants (notamment pour demander de l’aide) : chatbots, communication utilisant un langage simple et compréhensible par tous

  • transformer l’expérience client : valoriser le client, lui offrir une interface conviviale et innovante, utiliser des codes jeunes…


En réalité, si la simplicité a un sens dans le monde de demain (et même déjà dans celui d’aujourd’hui), elle prend la forme de l’interface client. Simplifier l’interface client va donc dans le sens des habitudes du client (l’interface de référence étant bien sûr celle de Google) et de la prépondérance du smartphone comme moyen de contact privilégié (réduction des informations pour s’adapter à un petit écran). C’est une démarche qui fait partie intégrante de l’amélioration de l’expérience client… mais de là à voir dans la simplification une tendance de fond du marché de l’assurance et de la banque, il y a un pas que nous ne franchirons pas.





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